Paul Muray
Un autre génie méconnu: Paul Moray
Une autre clef de la maîtrise des changements climatiques est la reconquête des déserts. Historiquement, nous savons que de nombreuses régions actuellement désertiques étaient, il n'y a pas si longtemps des régions florissantes, parfois couvertes de savanes boisées ou des terres agricoles, voire des forêts. Le pourtour de la Méditerranée en fournit de nombreux exemples.
Nous savons également que les interactions entre le sol et le climat sont réciproques: le climat fait le sol et inversement. De ce fait, nous pouvons affirmer avec certitude: le processus de désertification est réversible.
C'est à ce niveau que se situe la technique mise au point par le Français Paul Moray. Sa pensée est simple: au lieu de planter les arbres, il faut les semer. Ici aussi, la simplicité apparente cache un arrière-plan scientifique complexe.
Comme Jean Pain, Paul Moray était également un autodidacte qui, au départ, ne connaissait rien en foresterie. C'était un professeur de français qui se passionnait pour la mythologie liée aux arbres et à l'étymologie de leurs noms. C'est au cours d'une des excursions dans la nature avec ses étudiants qu'il a eu la « révélation » sur un problème de base.
Dans une région sèche du Sud de la France, après avoir parcouru des vergers de pêches et d'abricots dans un fond de vallée, un de ses élèves a attiré son attention sur un arbre, un pêcher, accroché au sommet d'une falaise rocheuse complètement désertique. Cet arbre portait des fruits sans le moindre arrosage ou irrigation. Dans la vallée, les mêmes arbres fruitiers ne pouvaient être maintenus en vie que par une irrigation continue. Quelle était donc le « secret » de cet arbre adventice (de semis spontané ou « sujet franc ») pour la survie, tout en produisant des fruits savoureux? Par après, il a trouvé beaucoup d'arbres fruitiers et autres qui ont poussé et prospéré dans des conditions « impossibles »: parfois au sommet des murs des ruines d'anciennes forteresses.
Intrigué par le phénomène, il a fini par comprendre que lors du semis, le noyau d'un arbre émet deux germes: l'un s'orientant vers le haut, l'autre vers le bas. Au départ, c'est ce dernier qui se développe et donne naissance à une racine dite « pivotante » qui, à travers les fissures dans la roche, pousse vers le bas à la recherche de la nappe phréatique. Celle-ci peut se trouver à plus de 50 mètres de profondeur. Le germe du noyau orienté vers le haut ne commence sa croissance qu'après le développement complet de la racine pivotante ayant trouvé l'eau.
Ce processus a lieu dans les pépinières aussi. Lors de la transplantation, la racine pivotante est sectionnée et l'arbre replanté est désormais incapable de la reconstituer. En région sèche, un tel arbre ne peu survivre que grâce à l'irrigation. Pour implanter un verger ou une forêt sur un coteau désertique brûlé par le soleil, il suffit de semer les arbres.
C'est simple à dire, mais plus complexe à mettre en œuvre. Paul Moray a donc élaboré une technique de semis pour un grand nombre d'espèces d'arbres utilisant précisément le compost de Jean Pain. Cette méthode constitue une des clefs pour faire reculer les déserts et implanter des vergers florissants là où même les chèvres ne trouvent plus rien à manger. Grâce à cette méthode, on peut libérer les fonds de vallées pour les cultures qui ne peuvent pas se passer d'irrigation.
Les travaux de Paul Moray n'ont récolté que l'hostilité de la part des spécialistes en foresterie. Les bois semés suivant sa méthode par les écoliers sur des friches abandonnées, ont été arrachés par les fonctionnaires de l'Administration des Eaux et Forêts. Il a connu des tracasseries administratives et policières qui ont fini par ruiner sa santé. Il est mort écœuré et abandonné de tous.